Redressement judiciaire et fiducie sûreté

Boris Intini
Directeur général de PraxiFinance
Mis à jour le
27 October 2025

Lorsqu’une entreprise est placée en redressement judiciaire, la question des garanties devient centrale. Les banques et investisseurs exigent des sûretés solides pour accorder de nouveaux financements. Dans ce contexte, la fiducie-sûreté se révèle être un levier juridique particulièrement efficace. En transférant temporairement la propriété d’un actif à un fiduciaire pour garantir une dette, elle permet d’obtenir un financement sans perdre définitivement la maîtrise du bien. Cette solution, encore méconnue des dirigeants, peut être déterminante pour sauver une entreprise menacée, préserver son patrimoine et rassurer ses créanciers. Cet article détaille les mécanismes, les avantages et les précautions d’usage de la fiducie-sûreté dans le cadre d’un redressement judiciaire.

Qu’est-ce que la fiducie-sûreté ?

La fiducie-sûreté est un contrat par lequel un débiteur transfère temporairement la propriété d’un bien, d’un droit ou d’un ensemble d’actifs à un fiduciaire. Ce dernier détient le bien à titre de garantie pour le compte d’un ou plusieurs créanciers, jusqu’au remboursement complet de la dette. À l’issue du paiement, le bien est restitué au constituant. Cette sûreté présente une particularité majeure : le bien transféré est juridiquement séparé du patrimoine du débiteur. Ainsi, en cas de défaillance, le fiduciaire peut réaliser le bien pour rembourser le créancier, sans passer par la procédure collective.

Bon à savoir

La fiducie-sûreté a été introduite en droit français par la loi du 19 février 2007 et étendue à de nombreuses opérations financières, notamment celles impliquant des entreprises en difficulté.

Le rôle de la fiducie-sûreté pendant un redressement judiciaire

Dans un redressement judiciaire, la fiducie-sûreté peut être utilisée pour garantir un financement de relance, restructurer une dette ou rassurer des partenaires financiers. Elle permet à une entreprise en difficulté de proposer une garantie solide sans céder définitivement ses actifs. Le bien fiducé (immeuble, parts sociales, matériel industriel, créances, etc.) est sorti du patrimoine de l’entreprise pendant la durée du contrat. Cette séparation le protège de la saisie par d’autres créanciers et renforce la confiance du prêteur. Une fois la dette apurée, le bien est restitué à l’entreprise, qui en retrouve la pleine propriété.

Conseil d’expert

La fiducie-sûreté peut être particulièrement utile pour les entreprises possédant des actifs immobilisés mais manquant de liquidités. Elle transforme un patrimoine inactif en levier de financement.

Les conditions de mise en place d’une fiducie-sûreté en redressement judiciaire

La fiducie-sûreté doit être formalisée par un acte écrit, précisant la nature des biens transférés, la durée de la fiducie, les droits et obligations du fiduciaire et les conditions de restitution. Le fiduciaire doit être un professionnel agréé (banque, avocat, société de gestion). Lorsqu’une entreprise est en redressement judiciaire, la mise en place de la fiducie doit être autorisée par le juge-commissaire. Cette autorisation garantit la conformité de l’opération avec les intérêts collectifs des créanciers et la continuité de l’exploitation. Le transfert fiduciaire peut porter sur des biens immobiliers, des créances clients, des brevets ou même des titres de participation. L’actif fiducé reste utilisé par l’entreprise, mais son contrôle est encadré.

Erreur fréquente

Confondre fiducie-sûreté et fiducie-gestion. La première sert de garantie, la seconde délègue la gestion d’actifs à un tiers.

Les avantages de la fiducie-sûreté pendant un redressement judiciaire

La fiducie-sûreté offre plusieurs avantages concrets pour les entreprises en redressement. Elle permet d’obtenir un financement à un moment où les garanties classiques sont refusées. En isolant un bien du patrimoine de l’entreprise, elle sécurise les créanciers tout en protégeant les autres actifs contre les saisies. Ce mécanisme favorise également la mise en confiance des partenaires commerciaux, investisseurs et établissements financiers. Il montre la volonté du dirigeant de restaurer la solvabilité de l’entreprise et d’honorer ses engagements. Enfin, la fiducie-sûreté peut s’intégrer dans un plan global de redressement associant financement, rééchelonnement de dettes et stratégie de relance.

À retenir

La fiducie-sûreté est une garantie réversible, flexible et compatible avec le maintien de l’activité. Elle permet de sécuriser un plan sans diluer le capital ni sacrifier les actifs essentiels.

Exemple concret d’utilisation d’une fiducie-sûreté

Une entreprise du secteur de la logistique, placée en redressement judiciaire, devait rembourser 400 000 euros à un fournisseur stratégique. N’ayant pas accès à un crédit bancaire, elle a mis en place une fiducie-sûreté portant sur un entrepôt évalué à 600 000 euros. Le bien a été transféré temporairement à un fiduciaire désigné, servant de garantie à l’opération. Grâce à cette sûreté, un investisseur privé a accepté de financer la dette, évitant ainsi la liquidation de l’entreprise. Après trois ans, la société a remboursé intégralement sa créance et a récupéré la pleine propriété de son entrepôt. Cet exemple illustre la puissance de la fiducie-sûreté comme outil de redressement financier et juridique.

Les précautions à prendre avant de recourir à la fiducie-sûreté

Avant toute mise en place, il est essentiel d’évaluer les conséquences juridiques du transfert fiduciaire. Une mauvaise rédaction du contrat peut fragiliser la sûreté et exposer l’entreprise à des contestations. De plus, le choix du fiduciaire doit être rigoureux : il s’agit d’un partenaire de confiance, garant du bon déroulement de l’opération. L’entreprise doit également s’assurer que le bien fiducé est libre de charges ou que les créanciers concernés ont donné leur accord. Enfin, la fiducie-sûreté doit s’intégrer dans un plan global de redressement validé par le tribunal pour garantir sa validité.

Bon à savoir

Les honoraires du fiduciaire sont considérés comme des créances postérieures au jugement, donc prioritaires dans le remboursement.

Fiducie-sûreté et financement de la relance

Au-delà de sa fonction de garantie, la fiducie-sûreté peut être utilisée comme levier de relance. En donnant confiance aux financeurs, elle ouvre la porte à des crédits relais, à des opérations de refinancement ou à des partenariats stratégiques. Certaines entreprises combinent même la fiducie avec une vente à réméré, afin de restaurer leur trésorerie tout en protégeant leurs actifs. Dans un contexte de redressement judiciaire, cette stratégie permet de concilier continuité d’exploitation et sécurisation des créanciers. C’est un outil de négociation puissant dans les mains d’un dirigeant bien conseillé.

Fiducie-sûreté : un outil d’avenir pour les entreprises en difficulté

Souvent perçue comme un instrument réservé aux grandes entreprises, la fiducie-sûreté s’impose aujourd’hui comme un outil accessible à toutes les structures. Elle combine sécurité juridique et efficacité financière. En permettant de sauver des emplois, de maintenir l’activité et de protéger le patrimoine, elle s’inscrit pleinement dans la logique de prévention et de redressement durable.

FAQ – Redressement judiciaire et fiducie-sûreté

Peut-on créer une fiducie-sûreté pendant un redressement judiciaire ?

Oui, avec l’autorisation du juge-commissaire, si elle sert l’intérêt collectif des créanciers.

Quels types de biens peuvent être transférés en fiducie ?

Des biens immobiliers, des créances, des parts sociales ou même des brevets.

Le dirigeant conserve-t-il l’usage du bien fiducé ?

Oui, sous réserve des conditions fixées dans le contrat et du contrôle du fiduciaire.

La fiducie protège-t-elle des autres créanciers ?

Oui, le bien fiducé est séparé du patrimoine de l’entreprise et ne peut être saisi par d’autres créanciers.

Que devient la fiducie après remboursement de la dette ?

Le bien est restitué au constituant, qui retrouve sa pleine propriété.

Pour aller plus loin, découvrez la page mère du sous-silo “Redressement judiciaire” et les solutions patrimoniales complémentaires comme la vente à réméré, adaptées aux entreprises en difficulté cherchant à préserver leur trésorerie et leurs actifs.

Boris Intini est le Directeur Général de PraxiFinance. Régulièrement invité dans les médias pour partager son expertise sur la monétisation immobilière, il contribue à l’enrichissement du site par la rédaction d’articles dédiés aux eneux des propriétaires en recherches actives de liquidités.