Indemnité compensatoire et succession : que se passe-t-il ?

Boris Intini
Directeur général de PraxiFinance
Mis à jour le
14 October 2025

Le règlement d’une indemnité compensatoire ne s’arrête pas toujours au moment du divorce. En cas de décès du débiteur ou du bénéficiaire, cette dette ou ce droit entre dans la succession et peut bouleverser l’équilibre patrimonial entre héritiers. La question de la transmission de cette créance, de son paiement et de sa fiscalité reste délicate, notamment lorsque le patrimoine comprend un bien immobilier commun. Cet article détaille les règles juridiques applicables en 2025 et les solutions pour anticiper afin d’éviter les conflits successoraux.

L’indemnité compensatoire, une dette qui survit au décès

L’indemnité compensatoire versée ou due au titre du divorce est une obligation civile. Si le débiteur décède avant d’avoir soldé la somme due, le capital restant à payer devient une dette successorale. Autrement dit, les héritiers du défunt devront la régler sur les biens de la succession avant tout partage. Cette règle découle de l’article 280 du Code civil : la créance de l’ex-conjoint est assimilée à une dette exigible de la succession. Elle passe donc avant le versement des legs ou la répartition entre les enfants. Si la succession est insuffisante, le bénéficiaire peut exiger la vente d’un bien pour être désintéressé.

Les conséquences pour les héritiers du défunt débiteur

Les héritiers recueillent la succession, mais aussi les dettes qui en dépendent. Si le défunt n’a pas entièrement payé l’indemnité compensatoire, les héritiers doivent s’en acquitter proportionnellement à leur part d’héritage. Ils disposent toutefois d’une protection : ils peuvent accepter la succession « à concurrence de l’actif net », c’est-à-dire dans la limite de ce qu’ils reçoivent. Cette mesure évite de devoir payer une indemnité supérieure à la valeur de la succession. Néanmoins, elle entraîne un inventaire notarié et un allongement des délais de partage. Lorsque la succession comprend un bien immobilier, le paiement de la dette peut imposer sa vente ou son refinancement. Dans certains cas, un financement hypothécaire post-divorce peut éviter d’imputer cette dette sur les héritiers, comme détaillé dans Indemnité compensatoire et bien immobilier : quelles solutions ?.

Le cas du décès du bénéficiaire avant le versement

Lorsque le bénéficiaire de l’indemnité décède avant d’avoir reçu la somme due, la créance entre dans sa propre succession. Ses héritiers deviennent alors titulaires du droit de recevoir le paiement. Si l’indemnité devait être versée sous forme de capital, les héritiers peuvent en exiger le règlement auprès du débiteur ou de sa succession. En revanche, si elle prenait la forme d’une rente viagère, le décès du bénéficiaire met fin définitivement à l’obligation : la rente s’éteint. Ce principe découle de la nature même de la rente viagère, liée à la vie de son bénéficiaire.

L’incidence du mode de versement sur la succession

Le sort de l’indemnité compensatoire dépend directement du mode de paiement. Si elle est versée sous forme de capital, elle se transmet et s’impute comme une dette ou une créance ordinaire. Si elle est versée en rente, elle cesse au décès du bénéficiaire. Si elle est échelonnée, le solde restant dû au jour du décès du débiteur devient immédiatement exigible. Les héritiers doivent alors soit la payer, soit procéder à la vente d’un bien de la succession pour dégager les fonds nécessaires. Cette situation peut être évitée par une anticipation financière, notamment en soldant l’indemnité grâce à une opération patrimoniale avant le décès.

L’intervention du notaire dans le règlement successoral

Le notaire joue un rôle central. Il doit mentionner l’existence de la dette dans l’acte d’inventaire et calculer son impact sur la masse successorale. Si l’indemnité n’a pas été réglée, elle est imputée sur l’actif net avant tout partage. Si elle a été versée partiellement, seul le solde restant dû est déduit. Le notaire peut également vérifier si une garantie hypothécaire a été enregistrée au profit de l’ex-conjoint. Dans ce cas, le bien hypothéqué ne peut être partagé ni vendu sans l’accord du créancier.

Les cas de conflit entre ex-conjoint et héritiers

Les litiges sont fréquents lorsque le défunt n’a pas soldé l’indemnité. Le conjoint créancier peut exiger le paiement intégral, tandis que les héritiers contestent le montant ou la validité de la créance. Les tribunaux tranchent alors sur la base du jugement de divorce et de ses éventuelles modifications. Si la dette n’a jamais été évaluée précisément (cas d’un jugement ancien ou d’un divorce non enregistré), une expertise patrimoniale peut être ordonnée. Dans certains cas, le bien immobilier principal est saisi pour désintéresser le créancier.

L’impact sur la fiscalité successorale

Sur le plan fiscal, l’indemnité compensatoire non réglée est déductible de la succession du débiteur. Autrement dit, elle réduit la base imposable aux droits de succession. Cette déduction est logique : la somme due constitue une dette exigible. À l’inverse, pour les héritiers du bénéficiaire, la créance figurant dans la succession augmente l’actif successoral et est soumise aux droits de mutation selon le lien de parenté. Le paiement effectif de la somme par la succession du débiteur ne génère toutefois aucun impôt supplémentaire : il s’agit d’une simple transmission d’actif et de passif.

L’importance d’anticiper le règlement avant le décès

Le principal risque survient lorsque l’indemnité n’est pas soldée au décès. Les héritiers se retrouvent alors dans une double contrainte : payer une dette qu’ils n’ont pas contractée, tout en gérant la succession. Anticiper ce risque est donc essentiel. Le débiteur peut sécuriser le paiement de son vivant en contractant un crédit hypothécaire, en plaçant la somme sur un compte séquestre ou en procédant à un règlement anticipé homologué par le juge. Cette approche permet de protéger les héritiers et d’éviter toute confusion entre dette matrimoniale et dette successorale.

L’indemnité compensatoire dans les familles recomposées

Dans les familles recomposées, la question devient encore plus sensible. Si le débiteur a eu des enfants d’une nouvelle union, ceux-ci peuvent se voir privés d’une partie de l’héritage à cause d’une indemnité ancienne. À l’inverse, les enfants du bénéficiaire peuvent hériter d’une créance qui risque d’être difficile à recouvrer. Les notaires recommandent d’intégrer la situation matrimoniale et les dettes post-divorce dans toute planification successorale. Le recours à une assurance décès spécifique ou à une opération de refinancement hypothécaire peut permettre de solder la dette tout en préservant l’équilibre entre les branches familiales.

L’effet du non-paiement prolongé sur la succession

Un non-paiement prolongé peut entraîner des pénalités et des intérêts légaux, qui s’ajoutent à la dette initiale. Ces intérêts sont eux aussi déductibles de la succession du débiteur, mais ils aggravent la situation financière globale. Dans les cas extrêmes, le juge peut ordonner la saisie d’un bien immobilier appartenant à la succession. Pour éviter cette issue, il est conseillé de recourir à une solution de financement temporaire avant l’ouverture de la succession. Les options possibles sont présentées dans Que faire si vous ne pouvez pas payer l’indemnité compensatoire ?.

Le rôle du patrimoine immobilier dans la transmission

Lorsqu’un bien immobilier constitue la majeure partie du patrimoine, il devient le pivot du règlement de la dette. Les héritiers peuvent choisir de le vendre pour solder l’indemnité ou de conserver le bien en contractant un prêt hypothécaire. Ce mécanisme permet d’éviter une vente forcée et de préserver la valeur patrimoniale du bien. Cette approche est détaillée dans Indemnité compensatoire et vente du bien commun.

L’incidence d’un paiement anticipé sur la fiscalité

Un débiteur qui règle volontairement son indemnité avant son décès réduit mécaniquement la valeur taxable de sa succession. Le fisc ne considère pas cette somme comme une donation, mais comme l’exécution d’une obligation judiciaire. Cette stratégie permet donc de diminuer les droits de succession et d’éviter une dette transmissible. Il s’agit d’une mesure d’anticipation patrimoniale souvent recommandée pour les divorces récents.

À retenir

L’indemnité compensatoire ne disparaît pas avec le décès. Si elle n’a pas été réglée, elle devient une dette successorale pour le défunt, ou une créance transmissible pour le bénéficiaire. En anticipant son paiement ou en utilisant les leviers de monétisation du patrimoine, il est possible d’éviter une imbrication complexe entre divorce et succession.

FAQ – Indemnité compensatoire et succession

L’indemnité compensatoire est-elle déductible des droits de succession ? Oui, pour le débiteur, elle réduit l’actif taxable.

Les héritiers doivent-ils payer la dette ? Oui, dans la limite de l’actif successoral.

Et si le bénéficiaire meurt avant le paiement ? La créance est transmise à ses héritiers, sauf s’il s’agissait d’une rente viagère.

Le bien immobilier du défunt peut-il être saisi ? Oui, si la dette n’est pas réglée.

Comment éviter ce scénario ? En soldant l’indemnité grâce à un financement hypothécaire avant le décès.

Boris Intini est le Directeur Général de PraxiFinance. Régulièrement invité dans les médias pour partager son expertise sur la monétisation immobilière, il contribue à l’enrichissement du site par la rédaction d’articles dédiés aux eneux des propriétaires en recherches actives de liquidités.