Hypothèque judiciaire et crédit hypothécaire : distinction et interactions

Boris Intini
Directeur général de PraxiFinance
Mis à jour le
14 November 2025

L’hypothèque judiciaire et le crédit hypothécaire sont deux notions juridiques distinctes mais souvent confondues. L’une relève du droit des sûretés et de la procédure d’exécution, tandis que l’autre s’inscrit dans le cadre d’un contrat de financement garanti par un bien immobilier. Lorsqu’un débiteur ne respecte plus ses obligations issues d’un crédit hypothécaire, le créancier peut recourir à une hypothèque judiciaire pour sécuriser ou recouvrer la somme due. Cet article expose les différences essentielles, les interactions possibles entre ces deux dispositifs et leurs conséquences pratiques.

Le crédit hypothécaire : une garantie conventionnelle

Le crédit hypothécaire est un prêt accordé par un établissement financier garanti par une hypothèque conventionnelle.
En vertu de l’article 2393 du Code civil, l’hypothèque confère au créancier un droit réel sur l’immeuble du débiteur, lui permettant d’en poursuivre la vente en cas de défaut de paiement.

Principe

Dans le cadre d’un crédit hypothécaire, le débiteur consent volontairement une hypothèque sur un bien immobilier au profit du prêteur (souvent une banque). Cette inscription est formalisée par un acte notarié, publié au service de la publicité foncière.
Le prêt hypothécaire peut servir à :

  • financer l’achat d’un bien immobilier,
  • refinancer une dette existante,
  • ou encore dégager de la trésorerie en garantissant un bien déjà possédé.

Effets juridiques

L’hypothèque confère au prêteur :

  • un droit de préférence (il sera payé avant les autres créanciers) ;
  • un droit de suite (il peut poursuivre le bien hypothéqué même s’il a été vendu).

L’hypothèque judiciaire : une sûreté imposée par la justice

À la différence de l’hypothèque conventionnelle, l’hypothèque judiciaire est imposée par décision de justice. Elle vise à protéger le créancier lorsque le débiteur ne respecte pas ses obligations, y compris celles découlant d’un crédit hypothécaire.

Origine judiciaire

L’hypothèque judiciaire peut être :

  • Conservatoire, ordonnée par le juge de l’exécution (JEX) avant jugement, pour éviter que le débiteur ne dilapide son patrimoine.
  • Définitive, après condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

Base légale

Les articles 2123 à 2144 du Code civil régissent les hypothèques judiciaires. Ils définissent les conditions d’inscription, de publication et de durée de validité (vingt ans).
Une fois inscrite, cette hypothèque produit les mêmes effets qu’une hypothèque conventionnelle : priorité de paiement et droit de suite.

Hypothèque judiciaire et crédit hypothécaire : les interactions

L’hypothèque judiciaire peut intervenir dans le prolongement d’un crédit hypothécaire lorsque le débiteur ne respecte pas son contrat de prêt.

Hypothèque judiciaire après défaillance de paiement

Si le débiteur cesse de rembourser son crédit hypothécaire, la banque dispose déjà d’une hypothèque conventionnelle. Cependant, elle peut demander au juge une inscription judiciaire complémentaire pour garantir d’autres dettes ou étendre sa sûreté à d’autres biens du débiteur.

Exemple : un emprunteur hypothèque sa maison pour un prêt immobilier. En cas de défaut, la banque peut faire valoir son hypothèque conventionnelle. Mais si d’autres dettes existent (découverts, prêts professionnels, cautionnements…), elle peut solliciter une hypothèque judiciaire sur d’autres immeubles appartenant au débiteur.

Hypothèque judiciaire en l’absence d’hypothèque initiale

Lorsque le prêt n’était pas garanti à l’origine, le créancier peut obtenir une décision judiciaire autorisant l’inscription d’une hypothèque judiciaire pour se protéger.
C’est souvent le cas pour les crédits personnels ou crédits professionnels non garantis, dont le non-paiement conduit à une action judiciaire.

Rang et priorité entre hypothèques

Le rang d’une hypothèque dépend de la date d’inscription au fichier immobilier. Ainsi :

  • l’hypothèque conventionnelle (crédit hypothécaire initial) a priorité si elle est antérieure ;
  • l’hypothèque judiciaire prend rang derrière elle, sauf si elle porte sur d’autres biens.
    Cette hiérarchie détermine l’ordre de paiement lors d’une saisie immobilière.

Effets sur le débiteur et conséquences pratiques

Pour le débiteur

La coexistence d’un crédit hypothécaire et d’une hypothèque judiciaire peut lourdement affecter le patrimoine du débiteur :

  • impossibilité de vendre sans régler les créanciers inscrits ;
  • baisse de la valeur de son bien sur le marché immobilier ;
  • risques de saisie et vente forcée si la dette n’est pas régularisée.

Pour le créancier

L’hypothèque judiciaire offre une sécurité renforcée. Elle lui permet d’agir sur plusieurs biens et d’être prioritaire sur les créanciers chirographaires (non garantis).

Procédure d’inscription de l’hypothèque judiciaire

L’inscription se fait par un notaire, sur présentation :

  • du titre exécutoire (jugement ou ordonnance),
  • du bordereau d’inscription mentionnant le montant de la créance,
  • et de la désignation précise du bien concerné.
    L’inscription est publiée au service de la publicité foncière et devient alors opposable à tous.

Coût et durée de l’hypothèque judiciaire

Les frais comprennent :

  • les émoluments notariaux ;
  • les droits de publicité foncière (0,05 % du montant garanti) ;
  • les frais judiciaires et de notification.
    La durée légale est de vingt ans, renouvelable avant expiration, conformément à l’article 2434 du Code civil.

Mainlevée et extinction

L’hypothèque judiciaire s’éteint :

  • par paiement intégral de la dette ;
  • par mainlevée volontaire ou judiciaire ;
  • par prescription de vingt ans ;
  • ou par la vente du bien hypothéqué avec règlement des créanciers inscrits.
    Le débiteur peut demander la radiation au service de la publicité foncière, sur présentation de l’acte de mainlevée notarié.

Conclusion

L’hypothèque judiciaire et le crédit hypothécaire répondent à des logiques différentes : l’un découle d’un contrat, l’autre d’une décision judiciaire. Néanmoins, ils peuvent se cumuler lorsque la situation financière du débiteur se dégrade.
L’hypothèque judiciaire vient alors renforcer la position du créancier et limite considérablement la liberté du débiteur. Dans un contexte de crédit hypothécaire impayé, elle constitue une arme juridique décisive pour garantir le recouvrement.

FAQ – Hypothèque judiciaire et crédit hypothécaire

Quelle différence entre hypothèque judiciaire et crédit hypothécaire ?
Le crédit hypothécaire est un prêt garanti par une hypothèque volontaire, tandis que l’hypothèque judiciaire est imposée par un juge pour garantir une dette.

Peut-on cumuler les deux ?
Oui. En cas de défaillance du débiteur, le créancier peut obtenir une hypothèque judiciaire supplémentaire sur d’autres biens.

L’hypothèque judiciaire remplace-t-elle l’hypothèque initiale ?
Non. Elle s’ajoute ou complète la garantie déjà existante, selon la décision du juge.

Qui paie les frais d’hypothèque judiciaire ?
En principe, ils sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du tribunal.

Quelle est la durée d’une hypothèque judiciaire ?
Vingt ans à compter de son inscription, renouvelable avant expiration.

Comment la lever ?
Par paiement complet, accord amiable, ou décision de justice ordonnant la mainlevée.

Que risque le débiteur en cas de non-paiement ?
La saisie immobilière et la vente forcée de son bien pour rembourser les créanciers inscrits.

Boris Intini est le Directeur Général de PraxiFinance. Régulièrement invité dans les médias pour partager son expertise sur la monétisation immobilière, il contribue à l’enrichissement du site par la rédaction d’articles dédiés aux eneux des propriétaires en recherches actives de liquidités.