L’hypothèque judiciaire conservatoire est une mesure de sûreté exceptionnelle qui permet à un créancier, avant toute décision de justice définitive, de préserver ses droits sur un bien immobilier appartenant à son débiteur. Elle constitue une garantie préventive, prévue par le Code civil et encadrée par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Cette hypothèque offre au créancier la possibilité d’empêcher toute cession ou dissimulation de patrimoine pendant la durée d’une procédure judiciaire.
Définition et nature juridique
L’hypothèque judiciaire conservatoire est une sûreté réelle provisoire, prise sur un immeuble pour garantir une créance qui n’est pas encore définitivement reconnue.
Elle ne confère pas encore un droit de préférence définitif, mais elle réserve un rang hypothécaire au profit du créancier dès sa date d’inscription.
Autrement dit, si le créancier obtient par la suite un jugement favorable, cette hypothèque se transforme en hypothèque judiciaire définitive, sans perte de priorité.
Article de référence :
L’article 2123 du Code civil mentionne que les hypothèques peuvent être judiciaires ou conventionnelles, et le Code des procédures civiles d’exécution (articles L. 511-1 à L. 512-2) encadre les conditions d’octroi des mesures conservatoires, dont l’hypothèque judiciaire.
Conditions de mise en place
L’obtention d’une hypothèque judiciaire conservatoire est subordonnée à une autorisation judiciaire préalable, sauf si le créancier dispose déjà d’un titre exécutoire.
Conditions de fond
Le juge ne peut autoriser une hypothèque conservatoire que si :
- La créance est fondée en son principe ;
- Le créancier justifie d’un risque réel de non-recouvrement (dissimulation, insolvabilité, transfert de biens) ;
- Le débiteur est clairement identifié et possède des biens immobiliers localisables.
Autorité compétente
La demande se fait devant le juge de l’exécution (JEX) du lieu de résidence du débiteur ou du lieu de situation de l’immeuble.
Le juge rend une ordonnance sur requête, autorisant la prise d’hypothèque pour un montant déterminé.

Procédure d’inscription conservatoire
Rôle du notaire
Une fois l’autorisation obtenue, le créancier fait appel à un notaire pour établir le bordereau d’inscription.
Ce document, prévu par l’article 2428 du Code civil, contient :
- L’identité des parties (créancier et débiteur) ;
- La désignation du bien hypothéqué ;
- La somme garantie (avec intérêts et accessoires) ;
- La référence à l’ordonnance du juge.
Dépôt à la publicité foncière
Le notaire dépose ensuite le bordereau au service de la publicité foncière compétent.
Cette inscription rend l’hypothèque opposable à tous, même si elle reste provisoire.
Notification au débiteur
Conformément à l’article R. 512-3 du CPCE, le débiteur doit être informé dans les 8 jours suivant l’inscription.
Cette notification indique la nature de la mesure et le montant de la créance garantie.
Transformation en hypothèque judiciaire définitive
Si, au terme de la procédure, le créancier obtient une condamnation judiciaire, l’hypothèque conservatoire se transforme automatiquement en hypothèque judiciaire définitive, sans perte du rang initial d’inscription (article R. 512-9 CPCE).
Dans le cas contraire, si la demande du créancier est rejetée, l’hypothèque doit être levée d’office, et le débiteur peut demander réparation du préjudice subi pour inscription abusive.
Durée et effets juridiques
Durée de validité
L’hypothèque conservatoire reste valable six mois, sauf prorogation.
Ce délai est prévu par l’article R. 511-9 du CPCE.
Pour conserver son effet, le créancier doit introduire l’action au fond dans ce délai, c’est-à-dire assigner le débiteur en justice.
Effets sur le patrimoine du débiteur
- L’immeuble devient indisponible : il ne peut plus être vendu librement sans régler la créance.
- Le débiteur conserve la possession du bien, mais il ne peut pas l’hypothéquer à nouveau sans passer après l’inscription conservatoire.
Effets pour le créancier
- Le créancier obtient une priorité de rang dès l’inscription.
- Il protège son droit même si d’autres hypothèques ou saisies interviennent ensuite.
Radiation et mainlevée
Mainlevée volontaire
Le créancier peut demander la mainlevée de l’hypothèque conservatoire si le débiteur règle sa dette ou si une solution amiable est trouvée.
Cette mainlevée doit être notariée et inscrite à la publicité foncière.
Mainlevée judiciaire
Le débiteur peut saisir le juge de l’exécution pour demander la mainlevée d’office s’il prouve :
- l’absence de créance valable ;
- un abus de droit ou une disproportion manifeste de la mesure.
Effet du rejet de la demande au fond
Si la demande initiale du créancier est rejetée, l’hypothèque conservatoire devient nulle rétroactivement.
Le débiteur peut alors réclamer dommages et intérêts pour l’inscription abusive (article L. 512-2 CPCE).
Coût d’une hypothèque judiciaire conservatoire
Les frais comprennent :
- Les honoraires du notaire pour la rédaction du bordereau ;
- Les droits de publicité foncière (environ 0,05 % du montant garanti) ;
- Les frais d’huissier pour la signification au débiteur ;
- Les éventuels frais de procédure judiciaire.
Le coût total se situe généralement entre 500 € et 1 000 €, selon la complexité du dossier et le nombre d’immeubles concernés.
Intérêt pratique et précautions
L’hypothèque judiciaire conservatoire est un instrument hautement stratégique :
- Elle préserve la créance dès les premiers signes de défaillance du débiteur ;
- Elle sécurise le futur recouvrement avant jugement ;
- Elle dissuade le débiteur de vendre ou transférer ses biens.
Cependant, elle doit être utilisée avec prudence : une mesure abusive peut entraîner la responsabilité civile du créancier.

Conclusion
L’hypothèque judiciaire conservatoire est un outil juridique préventif puissant, permettant de protéger les intérêts du créancier avant toute décision définitive.
Encadrée par le Code civil et le Code des procédures civiles d’exécution, elle équilibre les droits des deux parties : la sécurité du créancier d’un côté, et la préservation des droits du débiteur de l’autre.
Bien utilisée, elle constitue une garantie essentielle dans le cadre d’un contentieux financier ou commercial.
FAQ – Hypothèque judiciaire conservatoire
Qu’est-ce qu’une hypothèque judiciaire conservatoire ?
C’est une sûreté immobilière provisoire autorisée par un juge pour garantir une créance avant qu’elle ne soit définitivement reconnue.
Qui peut la demander ?
Tout créancier justifiant d’une créance fondée en son principe et d’un risque de non-recouvrement.
Combien de temps est-elle valable ?
Six mois, à condition que le créancier engage une action en justice dans ce délai.
Que devient-elle après jugement ?
Si le créancier gagne, elle se transforme en hypothèque judiciaire définitive tout en conservant son rang initial.
Comment la lever ?
Par mainlevée notariée ou décision judiciaire du juge de l’exécution.
Combien coûte-t-elle ?
Entre 500 € et 1 000 €, selon les frais de notaire, d’huissier et de publicité foncière.


